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LA CURÉE

« notre petit homme. » Moi, j’ai toujours cru que la grosse Suzanne se serait parfaitement laissé faire, si la marquise ne l’avait surveillée avec des yeux furibonds.

— Ah ! oui, nous avons bien ri…, murmurait le jeune homme. L’album de photographies, n’est-ce pas ? et tout le reste, nos courses dans Paris, nos goûters chez le pâtissier du boulevard ; tu sais, ces petits gâteaux aux fraises que tu adorais ?… Moi, je me souviendrai toujours de cet après-midi où tu m’as conté l’aventure d’Adeline, au couvent, quand elle écrivait des lettres à Suzanne, et qu’elle signait comme un homme : Arthur d’Espanet, en lui proposant de l’enlever…

Les amants s’égayaient encore de cette bonne histoire ; puis Maxime continuait de sa voix calme :

— Quand tu venais me chercher au collège dans ta voiture, nous devions être drôles tous les deux… Je disparaissais sous tes jupons, tant j’étais petit.

— Oui, oui, balbutiait-elle, prise de frissons, attirant le jeune homme à elle, c’était très bon, comme tu dis… Nous nous aimions sans le savoir, n’est-ce pas ? Moi, je l’ai su avant toi. L’autre jour, en revenant du Bois, j’ai frôlé ta jambe, et j’ai tressailli… Mais tu ne t’es aperçu de rien. Hein ? tu ne songeais pas à moi ?

— Oh ! Si, répondait-il un peu embarrassé. Seulement, je ne savais pas, tu comprends… Je n’osais pas.

Il mentait. L’idée de posséder Renée ne lui était jamais nettement venue. Il l’avait effleurée de tout son vice sans la désirer réellement. Il était trop mou pour cet effort. Il accepta Renée parce qu’elle s’imposa à lui, et qu’il glissa jusqu’à sa couche, sans le vouloir, sans le prévoir. Quand il y eut roulé, il y resta, parce qu’il y faisait chaud, et qu’il s’oubliait au fond de tous les trous