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LES ROUGON-MACQUART

allumaient les vitres, battaient les tentes des boutiques et des cafés, chauffaient l’asphalte sous les pas affairés de la foule. Et quand ils rentraient, un peu étourdis par le tohu-bohu éclatant de ces longs bazars, ils se plaisaient au parc Monceau, comme à la plate-bande nécessaire de ce Paris nouveau, étalant son luxe aux premières tiédeurs du printemps.

Lorsque la mode les força absolument de quitter Paris, ils allèrent aux bains de mer, mais à regret, pensant sur les plages de l’Océan aux trottoirs des boulevards. Leur amour lui-même s’y ennuya. C’était une fleur de la serre qui avait besoin du grand lit gris et rose, de la chair nue du cabinet, de l’aube dorée du petit salon. Depuis qu’ils étaient seuls le soir, en face de la mer, ils ne trouvaient plus rien à se dire. Elle essaya de chanter son répertoire du théâtre des Variétés, sur un vieux piano qui agonisait dans un coin de sa chambre, à l’hôtel ; mais l’instrument, tout humide des vents du large, avait les voix mélancoliques des grandes eaux. La Belle Hélène y fut lugubre et fantastique. Pour se consoler, la jeune femme étonna la plage par des costumes prodigieux. Toute la bande de ces dames était là, à bâiller, à attendre l’hiver, en cherchant avec désespoir un costume de bain qui ne les rendît pas trop laides. Jamais Renée ne put décider Maxime à se baigner. Il avait une peur abominable de l’eau, devenait tout pâle quand le flot arrivait jusqu’à ses bottines, ne se serait pour rien au monde approché du bord d’une falaise ; il marchait loin des trous, faisant de longs détours pour éviter la moindre côte un peu roide.

Saccard vint à deux ou trois reprises voir « les enfants. » Il était écrasé de soucis, disait-il. Ce ne fut que