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LA CURÉE

— Que je ne suis pas à vendre, répondit Renée, qui avait un pied sur le trottoir.

Et il lui sembla entendre madame Sidonie murmurer en refermant violemment la porte : « Eh ! va donc, grue ! tu me payeras ça. »

— Pardieu ! pensa-t-elle en remontant dans son coupé, j’aime encore mieux mon mari.

Elle retourna droit à l’hôtel. Le soir, elle dit à Maxime de ne pas venir ; elle était souffrante, elle avait besoin de repos. Et, le lendemain, lorsqu’elle lui remit les quinze mille francs pour le bijoutier de Sylvia, elle resta embarrassée devant sa surprise et ses questions. C’était son mari, dit-elle, qui avait fait une bonne affaire. Mais à partir de ce jour, elle fut plus fantasque, elle changeait souvent les heures des rendez-vous qu’elle donnait au jeune homme, et souvent même elle le guettait dans la serre pour le renvoyer. Lui s’inquiétait peu de ces changements d’humeur ; il se plaisait à être une chose obéissante aux mains des femmes. Ce qui l’ennuya davantage, ce fut la tournure morale que prenaient parfois leurs tête-à-tête d’amoureux. Elle devenait toute triste ; même il lui arrivait d’avoir de grosses larmes dans les yeux. Elle interrompait son refrain sur « le beau jeune homme » de la Belle-Hélène, jouait les cantiques du pensionnat, demandait à son amant s’il ne croyait pas que le mal fût puni tôt ou tard.

— Décidément, elle vieillit, pensait-il. C’est tout le plus si elle est drôle encore un an ou deux.

La vérité était qu’elle souffrait cruellement. Maintenant, elle aurait mieux aimé tromper Maxime avec M. de Saffré. Chez madame Sidonie, elle s’était révoltée, elle avait cédé à une fierté instinctive, au dégoût de ce