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Page:Emile Zola - La Curée.djvu/282

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LES ROUGON-MACQUART

timbré dans la journée. Mais quand il fut question d’une plume et d’un encrier, elle regarda les deux hommes d’un air consterné, doutant de trouver chez elle ces objets. Elle voulait aller voir à la cuisine, lorsque Larsonneau tira de sa poche, de la poche où était le drageoir, deux merveilles, un porte-plume en argent, qui s’allongeait à l’aide d’une vis, et un encrier, acier et ébène, d’un fini et d’une délicatesse de bijou. Et, comme Rozan s’asseyait :

— Faites les billets à mon nom. Vous comprenez, je n’ai pas voulu vous compromettre. Nous nous arrangerons ensemble… Six effets de vingt-cinq mille francs chacun, n’est-ce pas ?

Laure comptait sur un coin de la table les « chiffons. » Rozan ne les vit même pas. Quand il eut signé et qu’il leva la tête, ils avaient disparu dans la poche de la jeune femme. Mais elle vint à lui, et l’embrassa sur les deux joues, ce qui parut le ravir. Larsonneau les regardait philosophiquement, en pliant les effets, et en remettant l’écritoire et le porte-plume dans sa poche.

La jeune femme était encore au cou de Rozan, lorsque Aristide Saccard souleva un coin de la portière :

— Eh bien, ne vous gênez pas, dit-il en riant.

Le duc rougit. Mais Laure alla secouer la main du financier, en échangeant avec lui un clignement d’yeux d’intelligence. Elle était radieuse.

— C’est fait, mon cher, dit-elle ; je vous avais prévenu. Vous ne m’en voulez pas trop ?

Saccard haussa les épaules d’un air bonhomme. Il écarta la portière et, s’effaçant pour livrer passage à Laure et au duc, il cria, d’une voix glapissante d’huissier :