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LA CURÉE

nuit pâle d’une blancheur de gelée ; Maxime, surpris des attendrissements de son père, avait depuis un instant une question sur les lèvres.

— Mais toi, dit-il enfin, il me semble…

— Quoi ?

— Avec ta femme ?

Saccard haussa les épaules.

— Eh ! parfaitement. J’étais un imbécile. C’est pourquoi je te parle en toute expérience… Mais nous nous sommes remis ensemble, oh ! tout à fait. Il y a bientôt six semaines. Je vais la retrouver le soir, quand je ne rentre pas trop tard. Aujourd’hui, la pauvre bichette se passera de moi ; j’ai à travailler jusqu’au jour. C’est qu’elle est joliment faite !…

Comme Maxime lui tendait la main, il le retint, il ajouta, à voix plus basse, d’un ton de confidence :

— Tu sais, la taille de Blanche Müller, eh bien, c’est ça, mais dix fois plus souple. Et les hanches donc ! elles sont d’un dessin, d’une délicatesse…

Et il conclut en disant au jeune homme, qui s’en allait :

— Tu es comme moi, tu as du cœur, ta femme sera heureuse… Au revoir, mon petit !

Quand Maxime fut enfin débarrassé de son père, il fit rapidement le tour du parc. Ce qu’il venait d’entendre le surprenait si fort, qu’il éprouvait l’irrésistible besoin de voir Renée. Il voulait lui demander pardon de sa brutalité, savoir pourquoi elle avait menti en lui nommant M. de Saffré, connaître l’histoire des tendresses de son mari. Mais tout cela confusément, avec le seul désir net de fumer chez elle un cigare et de renouer leur camaraderie. Si elle était bien disposée, il comptait même lui annoncer son mariage, pour lui faire entendre que