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LA CURÉE

— Tu t’es bien amusée à ce bal ? demanda-t-il.

— Oh ! non, tu sais, toujours la même chose, répondit-elle. Beaucoup trop de monde, une véritable cohue.

Il retourna la chemise qui se trouvait chaude d’un côté.

— Quelle toilette avait Adeline ?

— Une robe mauve, assez mal comprise… Elle est petite, et elle a la rage des volants.

Ils parlèrent des autres femmes. Maintenant Maxime se brûlait les doigts avec la chemise.

— Mais tu vas la roussir, dit Renée dont la voix avait des caresses maternelles.

Céleste prit la chemise des mains du jeune homme. Il se leva, alla regarder le grand lit gris et rose, s’arrêta à un des bouquets brochés de la tenture, pour tourner la tête, pour ne pas voir les seins nus de Renée. C’était instinctif. Il ne se croyait plus son amant, il n’avait plus le droit de voir. Puis il tira un cigare de sa poche et l’alluma. Renée lui avait permis de fumer chez elle. Enfin Céleste se retira, laissant la jeune femme au coin du feu, toute blanche dans son vêtement de nuit.

Maxime marcha encore quelques instants, silencieux, regardant du coin de l’œil Renée, qu’un frisson semblait reprendre. Et, se plantant devant la cheminée, le cigare aux dents, il demanda d’une voix brusque :

— Pourquoi ne m’as-tu pas dit que c’était mon père qui se trouvait avec toi, hier soir ?

Elle leva la tête, les yeux tout grands, avec un regard de suprême angoisse ; puis un flot de sang lui empourpra la face, et, anéantie de honte, elle se cacha dans ses mains, elle balbutia :

— Tu sais cela ? tu sais cela ?…