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LA CURÉE

sous les draperies, disparut. Les dames sourirent de la singulière apparition de ce monsieur.

Le groupe au milieu duquel se trouvait Saccard s’était formé derrière les derniers fauteuils. On avait même tiré un fauteuil hors du rang, pour le baron Gouraud, dont les jambes enflaient depuis quelque temps. Il y avait là M. Toutin-Laroche, que l’empereur venait d’appeler au Sénat ; M. de Mareuil, dont la Chambre avait bien voulu valider la deuxième élection ; M. Michelin, décoré de la veille ; et, un peu en arrière, les Mignon et Charrier, dont l’un avait un gros diamant à sa cravate, tandis que l’autre en montrait un plus gros encore à son doigt. Ces messieurs causaient. Saccard les quitta un instant pour aller échanger une parole à voix basse avec sa sœur qui venait d’entrer et de s’asseoir entre Louise de Mareuil et madame Michelin. Madame Sidonie était en magicienne ; Louise portait crânement un costume de page, qui lui donnait tout à fait l’air d’un gamin : la petite Michelin, en almée, souriait amoureusement, dans ses voiles brodés de fils d’or.

— Sais-tu quelque chose ? demanda doucement Saccard à sa sœur.

— Non, rien encore, répondit-elle. Mais le galant doit être ici… Je les pincerai ce soir, sois tranquille.

— Préviens-moi tout de suite, n’est-ce pas ?

Et Saccard, se tournant à droite et à gauche, complimenta Louise et madame Michelin. Il compara l’une à une houri de Mahomet, l’autre à un mignon d’Henri III. Son accent provençal semblait faire chanter de ravissement toute sa personne grêle et stridente. Quand il revint au groupe des hommes graves, M. de Mareuil le prit à l’écart et lui parla du mariage de leurs enfants.