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LA CURÉE

pères puissants, des petits millionnaires en herbe, M. de Mussy, qui jetait à Renée des regards désespérés, Maxime ayant à sa droite Louise de Mareuil, et dont sa voisine semblait faire la conquête. Peu à peu, ils s’étaient mis à rire très haut. Ce furent de là que partirent les premiers éclats de gaieté.

Cependant, M. Hupel de la Noue demanda galamment :

— Aurons-nous le plaisir de voir Son Excellence, ce soir ?

— Je ne crois pas, répondit Saccard d’un air important qui cachait une contrariété secrète. Mon frère est si occupé !… Il nous a envoyé son secrétaire, M. de Saffré, pour nous présenter ses excuses.

Le jeune secrétaire, que Mme Michelin accaparait décidément, leva la tête en entendant prononcer son nom, et s’écria à tout hasard, croyant qu’on s’était adressé à lui :

— Oui, oui, il doit y avoir une réunion des ministres à neuf heures chez le garde des sceaux.

Pendant ce temps, M. Toutin-Laroche, qu’on avait interrompu, continuait gravement, comme s’il eût péroré dans le silence attentif du conseil municipal :

— Les résultats sont superbes. Cet emprunt de la Ville restera comme une des plus belles opérations financières de l’époque. Ah ! messieurs…

Mais, ici, sa voix fut de nouveau couverte par des rires qui éclatèrent brusquement à l’un des bouts de la table. On entendait, au milieu de ce souffle de gaieté, la voix de Maxime, qui achevait une anecdote : « Attendez donc, je n’ai pas fini. La pauvre amazone fut relevée par un cantonnier. On dit qu’elle lui fait donner une brillante éducation pour l’épouser plus tard. Elle ne veut