Page:Emile Zola - La Curée.djvu/310

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
310
LES ROUGON-MACQUART

méprise l’amour de la nymphe Écho… Écho était de la suite de Junon, qu’elle amusait par ses discours pendant que Jupiter courait le monde… Écho, fille de l’Air et de la Terre, comme vous savez…

Et il se pâmait devant la poésie de la Fable. Puis, d’un ton plus intime :

— J’ai cru pouvoir donner carrière à mon imagination… La nymphe Écho conduit le beau Narcisse chez Vénus, dans une grotte marine, pour que la déesse l’enflamme de ses feux. Mais la déesse reste impuissante. Le jeune homme témoigne par son attitude qu’il n’est pas touché.

L’explication n’était pas inutile, car peu de spectateurs, dans le salon, comprenaient le sens exact des groupes. Quand le préfet eut nommé ses personnages à demi voix, on admira davantage. Les Mignon et Charrier continuaient à ouvrir des yeux énormes. Ils n’avaient pas compris.

Sur l’estrade, entre les rideaux de velours rouge, une grotte se creusait. Le décor était fait d’une soie tendue à grands plis cassés, imitant des anfractuosités de rocher, et sur laquelle étaient peints des coquillages, des poissons, de grandes herbes marines. Le plancher, accidenté, montant en forme de tertre, se trouvait recouvert de la même soie, où le décorateur avait représenté un sable fin constellé de perles et de paillettes d’argent. C’était un réduit de déesse. Là, sur le sommet du tertre, Mme de Lauwerens, en Vénus, se tenait debout ; un peu forte, portant son maillot rose avec la dignité d’une duchesse de l’Olympe, elle avait compris son personnage en souveraine de l’Amour, avec de grands yeux sévères et dévorants. Derrière elle, ne montrant que sa tête