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LES ROUGON-MACQUART

blait déjà que tous les bruits d’amour de la forêt, les voix prolongées des taillis, les frissons mystérieux des feuilles, les soupirs profonds des grands chênes, venaient battre sur la chair de marbre de la nymphe Écho, dont le cœur, saignant toujours dans le bloc, résonnait longuement, répétait au loin les moindres plaintes de la Terre et de l’Air.

— Oh ! l’ont-ils affublé, ce pauvre Maxime ! murmura Louise. Et madame Saccard, on dirait une morte.

— Elle est couverte de poudre de riz, dit madame Michelin.

D’autres mots peu obligeants couraient. Ce troisième tableau n’eut pas le succès franc des deux autres. C’était pourtant ce dénouement tragique qui enthousiasmait M. Hupel de la Noue sur son propre talent. Il s’y admirait, comme son Narcisse dans sa lame de glace. Il y avait mis une foule d’intentions poétiques et philosophiques. Quand les rideaux se furent refermés pour la dernière fois, et que les spectateurs eurent applaudi en gens bien élevés, il éprouva un regret mortel d’avoir cédé à la colère en n’expliquant pas la dernière page de son poème. Il voulut donner alors aux personnes qui l’entouraient la clef des choses charmantes, grandioses ou simplement polissonnes, que représentaient le beau Narcisse et la nymphe Écho, et il essaya même de dire ce que Vénus et Plutus faisaient au fond de la clairière ; mais ces messieurs et ces dames, dont les esprits nets et pratiques avaient compris la grotte de la chair et la grotte de l’or, ne se souciaient pas de descendre dans les complications mythologiques du préfet. Seuls, les Mignon et Charrier, qui voulaient absolument savoir, eurent la bonhomie de l’interroger. Il s’empara d’eux, il les