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Page:Emile Zola - La Curée.djvu/355

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LA CURÉE

de lit, lui parlaient brutalement de sa chair, de ses amours, de toutes ces ordures qu’elle voulait oublier. Elle revint au milieu du cabinet, le visage pourpre, ne sachant où fuir ce parfum d’alcôve, ce luxe qui se décolletait avec une impudeur de fille, qui étalait tout ce rose. La pièce était nue comme elle ; la baignoire rose, la peau rose des tentures, les marbres roses des deux tables s’animaient, s’étiraient, se pelotonnaient, l’entouraient d’une telle débauche de voluptés vivantes, qu’elle ferma les yeux, baissant le front, s’abîmant sous les dentelles du plafond et des murs qui l’écrasaient.

Mais, dans le noir, elle revit la tache de chair du cabinet de toilette, et elle aperçut en outre la douceur grise de la chambre à coucher, l’or tendre du petit salon, le vert cru de la serre, toutes ces richesses complices. C’était là où ses pieds avaient pris la sève mauvaise. Elle n’aurait pas dormi avec Maxime sur un grabat, au fond d’une mansarde. C’eût été trop ignoble. La soie avait fait son crime coquet. Et elle rêvait d’arracher ces dentelles, de cracher sur cette soie, de briser son grand lit à coups de pied, de traîner son luxe dans quelque ruisseau d’où il sortirait usé et sali comme elle.

Quand elle rouvrit les yeux, elle s’approcha de la glace, se regarda encore, s’examina de près. Elle était finie. Elle se vit morte. Toute sa face lui disait que le craquement cérébral s’achevait. Maxime, cette perversion dernière de ses sens, avait terminé son œuvre, épuisé sa chair, détraqué son intelligence. Elle n’avait plus de joies à goûter, plus d’espérances de réveil. À cette pensée, une colère fauve se ralluma en elle. Et, dans une crise dernière de désir, elle rêva de reprendre sa proie, d’agoniser aux bras de Maxime et de l’emporter