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LES ROUGON-MACQUART

rent tous là à causer un instant. Elle dit, voulant expliquer sa pâleur, son frissonnement, qu’elle avait eu froid, qu’elle était montée chez elle pour jeter cette fourrure sur ses épaules. Et elle épiait l’instant où elle pourrait parler bas à Louise, qui la regardait avec sa tranquillité curieuse. Comme les hommes se serraient encore la main, elle se pencha, elle murmura :

— Vous ne l’épouserez pas, dites ? Ce n’est pas possible. Vous savez bien…

Mais l’enfant l’interrompit, se haussant, lui disant à l’oreille :

— Oh ! soyez tranquille, je l’emmène… Ça ne fait rien, puisque nous partons pour l’Italie.

Et elle souriait, de son sourire vague de sphinx vicieux. Renée resta balbutiante. Elle ne comprenait pas, elle s’imagina que la bossue se moquait d’elle. Puis, quand les Mareuil furent partis, en répétant à plusieurs reprises : « À dimanche ! » elle regarda son mari, elle regarda Maxime, de ses yeux épouvantés, et, les voyant la chair tranquille, l’attitude satisfaite, elle se cacha la face dans les mains, elle s’enfuit, se réfugia au fond de la serre.

Les allées étaient désertes. Les grands feuillages dormaient, et, sur la nappe lourde du bassin, deux boutons de nymphéa s’épanouissaient lentement. Renée aurait voulu pleurer ; mais cette chaleur humide, cette odeur forte qu’elle reconnaissait, la prenait à la gorge, étranglait son désespoir. Elle regardait à ses pieds, au bord du bassin, à cette place du sable jaune, où elle étalait la peau d’ours l’autre hiver. Et, quand elle leva les yeux, elle vit encore une figure du cotillon, tout au fond, par les deux portes laissées ouvertes.