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LES ROUGON-MACQUART

main de fer, ne voulût mettre les doigts dans la dot de sa nièce. Elle parla ensuite de cette dot.

— Mon frère, dit-elle, a une fortune qui consiste surtout en propriétés et en immeubles. Il n’est pas homme à punir sa fille en rognant la part qu’il lui destinait. Il lui donne une propriété dans la Sologne estimée à trois cent mille francs, ainsi qu’une maison, située à Paris, qu’on évalue environ à deux cent mille francs.

Saccard fut ébloui ; il ne s’attendait pas à un tel chiffre ; il se tourna à demi pour ne pas laisser voir le flot de sang qui lui montait au visage.

— Cela fait cinq cent mille francs, continua la tante ; mais je ne dois pas vous cacher que la propriété de la Sologne ne rapporte que deux pour cent.

Il sourit, il répéta son geste de désintéressement, voulant dire que cela ne pouvait le toucher, puisqu’il refusait de s’immiscer dans la fortune de sa femme. Il avait, dans son fauteuil, une attitude d’adorable indifférence, distrait, jouant du pied avec sa pantoufle, paraissant écouter par pure politesse. Mme Aubertot, avec sa bonté d’âme ordinaire, parlait difficilement, choisissait les termes pour ne pas le blesser. Elle reprit :

— Enfin, je veux faire un cadeau à Renée. Je n’ai pas d’enfant, ma fortune reviendra un jour à mes nièces, et ce n’est pas parce que l’une d’elles est dans les larmes, que je fermerai aujourd’hui la main. Leurs cadeaux de mariage à toutes deux étaient prêts. Celui de Renée consiste en vastes terrains situés du côté de Charonne, que je crois pouvoir évaluer à deux cent mille francs. Seulement…

Au mot de terrain, Saccard avait eu un léger tressaillement. Sous son indifférence jouée, il écoutait avec