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LES ROUGON-MAQUART.

avec une grâce de petite Parisienne, déjà rompue aux politesses.

— Mon oncle, je vous remercie bien de me prendre chez vous… Vous verrez, mon cousin, nous ferons bon ménage…

— Mais elle est très gentille ! s’écria Chanteau ravi.

Lazare la regardait avec surprise, car il se l’était imaginée plus petite, d’une niaiserie effarouchée de gamine.

— Oui, oui, très gentille, répétait la vieille dame. Et brave, vous n’avez pas idée !… Le vent nous prenait de face, dans cette voiture, et nous aveuglait de poussière d’eau. Vingt fois j’ai cru que la capote, qui craquait comme une voile, allait se fendre. Eh bien ! elle s’amusait, elle trouvait ça drôle… Mais qu’est-ce que nous faisons là ? Il est inutile de nous mouiller davantage, voici la pluie qui recommence.

Elle se tournait, cherchant Véronique. Lorsqu’elle l’aperçut à l’écart, la mine revêche, elle lui dit ironiquement :

— Bonjour, ma fille, comment te portes-tu ?… En attendant que tu me demandes de mes nouvelles, tu vas monter une bouteille pour Martin, n’est-ce pas ?… Nous n’avons pu prendre nos malles, Malivoire les apportera demain de bonne heure…

Elle s’interrompit, elle retourna vers la voiture, bouleversée.

— Et mon sac !… J’ai eu une peur ! j’ai craint qu’il ne fût tombé sur la route.

C’était un gros sac de cuir noir, déjà blanchi aux angles par l’usure, et qu’elle refusa absolument de confier à son fils. Enfin, tous se dirigeaient vers la maison, lorsqu’une nouvelle bourrasque les arrêta,