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LA JOIE DE VIVRE.

— Eh ! on n’en sait rien, dit-il, cédant à un besoin de se moquer d’elle. Des fois, l’eau passe par-dessus l’église.

Mais elle éclata d’un bon rire. Dans son petit être réfléchi, c’était une bouffée de gaieté bruyante et saine, la gaieté d’une personne de raison que l’absurde met en joie. Et ce fut elle qui tutoya la première le jeune homme, en lui prenant les mains, comme pour jouer.

— Oh ! cousin, tu me crois donc bien bête !… Est-ce que tu resterais ici, si l’eau passait par-dessus l’église ?

Lazare riait à son tour, serrait les mains de l’enfant, tous deux désormais bons camarades. Justement, madame Chanteau rentra au milieu de ces éclats joyeux. Elle parut heureuse, elle dit, en s’essuyant les mains :

— La connaissance est faite… Je savais bien que vous vous entendriez ensemble.

— Je sers, madame ? interrompit Véronique, debout sur le seuil de la cuisine.

— Oui, oui, ma fille… Seulement, tu ferais mieux d’allumer d’abord la lampe. On n’y voit plus.

La nuit, en effet, venait si rapidement, que la salle à manger obscure n’était plus éclairée que par le reflet rouge du coke. Ce fut encore un retard. Enfin, la bonne baissa la suspension, le couvert apparut sous le rond de clarté vive. Et tout le monde était assis, Pauline entre son oncle et son cousin, en face de sa tante, lorsque cette dernière se leva de nouveau, avec sa vivacité de vieille femme maigre, qui ne pouvait rester en place.

— Où est mon sac ?… Attends, ma chérie, je vais te donner ta timbale… Ôte le verre, Véronique. Elle est habituée à sa timbale, cette enfant.