Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/270

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Pauline souriait, approuvait de la tête, car le bonheur, selon elle, ne dépendait ni des gens ni des choses, mais de la façon raisonnable dont on s’accommodait aux choses et aux gens. Elle redoublait de bons soins, elle distribuait des secours plus larges. Enfin, elle avait eu la joie d’associer Lazare à ses charités, espérant le distraire, l’amener par la pitié à un oubli de lui-même. Chaque samedi, il restait avec elle, tous deux recevaient, de quatre heures à six heures, les petits amis du village, la queue des enfants en loques que les parents envoyaient mendier chez la demoiselle. C’était une débâcle de galopins mal mouchés et de gamines pouilleuses.

Un samedi, il pleuvait, Pauline ne put faire sa distribution sur la terrasse, ainsi qu’elle en avait l’habitude. Lazare dut aller chercher un banc, qu’il installa dans la cuisine.

— Comment ! monsieur, s’écria Véronique, est-ce que Mademoiselle songe à introduire toute cette pouillerie ici ?… C’est une riche idée, si vous voulez trouver des bêtes dans votre soupe.

La jeune fille entrait avec son sac de monnaie blanche et sa boîte de remèdes. Elle répondit en riant :

— Bah ! tu donneras un coup de balai… Et puis, l’eau tombe si fort, que la pluie les aura débarbouillés, ces pauvres petits.

En effet, les premiers qui entrèrent avaient le visage rose, lavé par l’averse. Mais ils étaient si trempés, que des mares coulaient de leurs guenilles sur les dalles ; et la mauvaise humeur de la bonne augmenta, surtout lorsque Mademoiselle lui commanda d’allumer un fagot, pour les sécher un peu. On porta le banc devant la cheminée. Bientôt, il y eut là,