Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/286

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Mathieu était mort. Un peu d’écume sanglante coulait des mâchoires. Quand il fut allongé par terre, il sembla dormir.

Alors, Lazare sentit que tout finissait une fois encore. Son chien mourait maintenant, et c’était une douleur disproportionnée, une désespérance où sa vie entière sombrait. Cette mort réveillait les autres morts, le déchirement n’avait pas été plus cruel, lorsqu’il avait traversé la cour, derrière le cercueil de sa mère. Quelque chose d’elle s’en allait de nouveau, il achevait de la perdre. Les mois de douleur cachée renaissaient, ses nuits troublées de cauchemars, ses promenades au petit cimetière, son épouvante devant l’éternité du jamais plus.

Il y eut un bruit, Lazare se tourna et vit la Minouche qui faisait tranquillement sa toilette sur la paille. Mais la porte avait craqué, Pauline entrait, poussée par la même préoccupation que son cousin. Quand il l’aperçut, ses pleurs redoublèrent, il cria, lui qui cachait le regret de sa mère avec une sorte de sauvagerie pudique :

— Mon Dieu ! mon Dieu ! elle l’aimait tant !… Tu te souviens ? elle l’avait eu si petit, et c’était elle qui lui donnait à manger, et il la suivait partout dans la maison !

Puis, il ajouta :

— Il n’y a plus personne, nous sommes trop seuls !

Des larmes montaient aux yeux de Pauline. Elle s’était penchée pour voir le pauvre Mathieu, sous la lueur vague de la bougie. Sans chercher à consoler Lazare, elle eut un geste découragé, car elle se sentait inutile et impuissante.