Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/304

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cher devant elle, au bras l’un de l’autre, comme pour leur montrer sa confiance.

D’ailleurs, ni l’un ni l’autre ne l’aurait trompée. Si Lazare se laissait reprendre à cette griserie, il se débattait toujours, il faisait effort ensuite et se montrait plus affectueux pour elle. Il y avait là une surprise de sa chair, à laquelle il cédait délicieusement, tout en jurant bien que, cette fois, le jeu s’arrêterait aux rires permis. Pourquoi se serait-il refusé cette joie, puisqu’il était résolu à rester dans son devoir d’honnête homme ? Et Louise avait plus de scrupules encore ; non qu’elle s’accusât de coquetterie, car elle était naturellement caressante, elle se donnait sans le savoir, dans un geste, dans une haleine ; mais elle n’aurait ni fait un pas ni prononcé un mot, si elle avait cru être désagréable à Pauline. Le pardon du passé la touchait aux larmes, elle voulait lui prouver qu’elle en était digne, elle lui avait voué une de ces adorations exubérantes de femme, qui se traduisent par des serments, des baisers, toutes sortes de cajoleries passionnées. Aussi la surveillait-elle sans cesse, pour accourir, si elle pensait lui voir un nuage au front. Brusquement, elle quittait le bras de Lazare, venait prendre le sien, fâchée de s’être abandonnée un instant ; et elle tâchait de la distraire, ne la quittait plus, affectait même de bouder le jeune homme. Jamais elle n’avait paru si charmante que dans cet émoi continuel, dans ce besoin de plaire qui l’emportait et qui la désolait ensuite, emplissant la maison du tourbillon de ses jupes et de ses langueurs câlines de jeune chatte.

Peu à peu, Pauline retomba à ses tortures. Son espoir, son triomphe d’un moment en augmentait la cruauté. Ce n’étaient pas les secousses violentes