Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/305

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d’autrefois, les crises jalouses qui l’affolaient pour une heure ; c’était un écrasement lent, comme une masse tombée sur elle, et dont le poids la broyait davantage à chaque minute. Désormais, il n’y avait plus de répit possible, plus de salut : son malheur était quand même au bout. Certes, elle n’avait aucun reproche à leur faire, tous deux la comblaient de prévenances, luttaient contre l’entraînement qui les poussait l’un vers l’autre ; et, précisément, elle souffrait de ces prévenances, elle recommençait à voir clair, depuis qu’ils semblaient s’entendre, pour lui épargner la douleur de leurs amours. La pitié de ces deux amants lui devenait insupportable. N’étaient-ce pas des aveux, ces chuchotements rapides lorsqu’elle les laissait ensemble, puis ces brusques silences dès qu’elle reparaissait, et ces baisers violents de Louise, et ces humilités affectueuses de Lazare ? Elle les aurait préférés coupables, la trahissant dans les coins ; tandis que ces précautions d’honnêteté, ces compensations de caresses, qui lui disaient tout, la laissaient désarmée, ne trouvant ni la volonté ni l’énergie de reconquérir son bien. Le jour où elle avait ramené sa rivale, sa pensée était de lutter contre elle, s’il le fallait ; seulement, que faire contre des enfants qui se désolaient ainsi de s’aimer ? Elle-même avait voulu cela, elle n’aurait eu qu’à épouser Lazare, sans s’inquiéter si elle lui forçait la main. Mais, aujourd’hui encore, malgré son tourment, l’idée de disposer ainsi de lui, d’exiger l’accomplissement d’une promesse qu’il regrettait sans doute, la révoltait. Elle en serait morte, qu’elle l’aurait refusé s’il en aimait une autre.

Cependant, Pauline restait la mère de son petit monde, soignait Chanteau qui allait mal, était obligée