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LES ROUGON-MACQUART.

Minouche, qui couchaient ensemble dans la cuisine. Lazare avait ramassé sa musique, tandis que madame Chanteau serrait sous son bras les titres, dans le vieux registre. Elle reprit également sur la table l’inventaire de Davoine, que son mari venait d’y oublier. Ce papier lui crevait le cœur, il était inutile de le voir traîner partout.

— Nous montons, Véronique, cria-t-elle. Tu ne vas pas rôder, à cette heure ?

Et, comme il ne sortait de la cuisine qu’un grognement, elle continua, à voix plus basse :

— Qu’a-t-elle donc ? Ce n’est pourtant pas une enfant à sevrer que je lui amène.

— Laisse-la tranquille, dit Chanteau. Tu sais qu’elle a ses lunes… Hein ? nous y sommes tous les quatre. Alors, bonne nuit.

Lui, couchait au rez-de-chaussée, de l’autre côté du couloir, dans l’ancien salon transformé en chambre à coucher. De cette manière, quand il était pris, on pouvait aisément rouler son fauteuil près de la table ou sur la terrasse. Il ouvrit sa porte, s’arrêta un instant encore, les jambes engourdies, travaillées de la sourde approche d’une crise, que la raideur de ses jointures lui annonçait depuis la veille. Décidément, il avait eu grand tort de manger du foie gras. Cette certitude, à présent, le désespérait.

— Bonne nuit, répéta-t-il d’une voix dolente. Vous dormez toujours, vous autres… Bonne nuit, ma mignonne. Repose-toi bien, c’est de ton âge.

— Bonne nuit, mon oncle, dit à son tour Pauline en l’embrassant.

La porte se referma. Madame Chanteau fit monter la petite la première. Lazare les suivait.

— Le fait est qu’on n’aura pas besoin de me ber-