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LES ROUGON-MACQUART.

zare, la bougie tendue, éclairait l’intérieur du meuble.

— Là, continuait madame Chanteau, tu es sûre maintenant, et sois tranquille, on mourrait de faim à côté… Souviens-toi, le premier tiroir de gauche. Ils n’en sortiront que le jour où tu seras assez grande fille pour les reprendre toi-même… Hein ? ce n’est pas la Minouche qui viendra les manger là-dedans.

Cette idée de la Minouche ouvrant le secrétaire et mangeant les papiers, fit éclater l’enfant de rire. Sa gêne d’un instant avait disparu, elle jouait avec Lazare, qui, pour l’amuser, ronronnait comme la chatte, en feignant de s’attaquer au tiroir. Il riait aussi de bon cœur. Mais sa mère avait refermé solennellement le tablier, et elle donna deux tours de clef, d’une main énergique.

— Ça y est, dit-elle. Voyons, Lazare, ne fais pas la bête… À présent, je monte m’assurer s’il ne lui manque rien.

Et tous trois, à la file, se retrouvèrent dans l’escalier. Au second étage, Pauline, de nouveau hésitante, avait ouvert la porte de gauche, lorsque sa tante lui cria :

— Non, non, pas de ce côté ! c’est la chambre de ton cousin. Ta chambre est en face.

Pauline était restée immobile, séduite par la grandeur de la pièce et par le fouillis de grenier qui l’encombrait, un piano, un divan, une table immense, des livres, des images. Enfin, elle poussa l’autre porte, et fut ravie, bien que sa chambre lui sembla toute petite, comparée à l’autre. Le papier était à fond écru, semé de roses bleues. Il y avait un lit de fer drapé de rideaux de mousseline, une table de toilette, une commode et trois chaises.

— Tout y est, murmurait madame Chanteau, de