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LA JOIE DE VIVRE.

l’eau, du sucre, des serviettes, un savon… Et dors tranquille. Véronique couche dans un cabinet, à côté. Si tu te fais peur, tape contre le mur.

— Puis, je suis là, moi, déclara Lazare. Lorsqu’il vient un revenant, j’arrive avec mon grand sabre.

Les portes des deux chambres, face à face, étaient restées ouvertes. Pauline promenait ses regards d’une pièce dans l’autre.

— Il n’y a pas de revenant, dit-elle de son air gai. Un sabre, c’est pour les voleurs… Bonsoir, ma tante. Bonsoir, mon cousin.

— Bonsoir, ma chérie… Tu sauras te déshabiller ?

— Oh ! oui, oui… Je ne suis plus une petite fille. À Paris, je faisais tout.

Ils l’embrassèrent. Madame Chanteau lui dit, en se retirant, qu’elle pouvait fermer sa porte à clef. Mais déjà l’enfant était devant la fenêtre, impatiente de savoir si la vue donnait sur la mer. La pluie ruisselait avec tant de violence le long des vitres, qu’elle n’osa pas ouvrir. Il faisait très noir, elle fut pourtant heureuse d’entendre la mer battre à ses pieds. Puis, malgré la fatigue qui l’endormait debout, elle fit le tour de la pièce, elle regarda les meubles. Cette idée, qu’elle avait une chambre à elle, une chambre séparée des autres, où il lui était permis de s’enfermer, la gonflait d’un orgueil de grande personne. Cependant, au moment de tourner la clef, comme elle avait enlevé sa robe et qu’elle se trouvait en petit jupon, elle hésita, elle fut prise d’un malaise. Par où se sauver, si elle voyait quelqu’un. Elle eut un frisson, elle rouvrit la porte. En face, au milieu de l’autre pièce, Lazare était encore là qui la regardait.

— Quoi donc, demanda-t-il, tu as besoin de quelque chose ?