Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/367

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— Ouvre donc… Ouvre, et nous mourrons après, si tu veux… Ne nous aimons-nous pas depuis l’enfance ? Tu devrais être ma femme, n’est-ce pas fatal que tu la sois un jour ?… Je t’aime, je t’aime, Pauline…

Elle tremblait plus fort, chaque mot la serrait au cœur. Les baisers dont il lui avait couvert les épaules, s’avivaient sur sa peau, ainsi que des gouttes de feu. Et elle se raidissait davantage, avec la peur d’ouvrir, de se livrer, dans l’élan irrésistible de son corps demi-nu. Il avait raison, elle l’adorait, pourquoi se refuser cette joie, qu’ils cacheraient tous deux au monde entier ? La maison dormait, la nuit était noire. Oh ! dormir dans l’ombre au cou l’un de l’autre, le tenir à elle, ne fût-ce qu’une heure. Oh ! vivre, vivre enfin !

— Mon Dieu ! que tu es cruelle, Pauline !… Tu ne veux même pas répondre, et je suis là si misérable… Ouvre, je te prendrai, je te garderai, nous oublierons tout… Ouvre, ouvre-moi, je t’en prie…

Il sanglotait, et elle se mit à pleurer. Elle se taisait toujours, malgré les révoltes de son sang. Pendant une heure, il continua, la suppliant, se fâchant, arrivant aux mots abominables, pour retomber dans des mots de caresse brûlante. Deux fois, elle le crut parti, et deux fois il revint de sa chambre, avec un redoublement d’exaspération amoureuse. Puis, quand elle l’entendit s’enfermer rageusement chez lui, elle éprouva une tristesse immense. C’était fini cette fois, elle avait vaincu ; mais un désespoir, une honte montaient de sa victoire, si violents, qu’elle se déshabilla et se coucha, sans allumer de bougie. L’idée de se voir nue, dans ses vêtements arrachés, l’emplissait d’une confusion affreuse. Pourtant, la fraîcheur des