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II

Dès la première semaine, la présence de Pauline apporta une joie dans la maison. Sa belle santé raisonnable, son tranquille sourire calmaient l’aigreur sourde où vivaient les Chanteau. Le père avait trouvé une garde-malade, la mère était heureuse que son fils restât davantage au logis. Seule, Véronique continuait à grogner. Il semblait que les cent cinquante mille francs, enfermés dans le secrétaire, donnaient à la famille un air plus riche, bien qu’on n’y touchât pas. Un lien nouveau était créé, et il naissait une espérance au milieu de leur ruine, sans qu’on sût au juste laquelle.

Le surlendemain, dans la nuit, l’accès de goutte que Chanteau sentait venir, avait éclaté. Depuis une semaine, il éprouvait des picotements aux jointures, des frissons qui lui secouaient les membres, une horreur invincible de tout exercice. Le soir, il s’était couché plus tranquille pourtant, lorsque, à trois heures du matin, la douleur se déclara dans l’orteil du pied gauche. Elle sauta ensuite au talon, finit par envahir la cheville. Jusqu’au jour, il se plaignit doucement, suant sous les couvertures, ne voulant déranger personne. Ses crises étaient l’effroi de la maison, il attendait la dernière minute pour appeler,