Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/375

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clée d’une ceinture qui lui aurait meurtri le ventre.

— On s’habitue au mal, dit Chanteau d’un air sentencieux.

— Oui, il faut que je promène ça, conclut la jeune femme. C’est pourquoi je suis descendue… Là-haut, il m’est impossible de rester en place.

Elle avala seulement quelques gorgées de café au lait. Toute la matinée, elle se traîna dans la maison, quittant une chaise pour aller s’asseoir sur une autre. Personne n’osait lui adresser la parole, car elle s’emportait et semblait souffrir davantage, dès qu’on s’occupait d’elle. Les douleurs ne la quittaient pas. Un peu avant midi pourtant, la crise parut se calmer, elle put s’asseoir encore à table et prendre un potage. Mais, entre deux et trois heures, des tranchées affreuses commencèrent ; et elle ne s’arrêta plus, passant de la salle à manger dans la cuisine, montant pesamment à sa chambre pour en redescendre aussitôt.

Pauline, en haut, faisait sa malle. Elle partait le lendemain, elle avait juste le temps de fouiller ses meubles et de ranger tout. À chaque minute cependant, elle allait se pencher sur la rampe, tourmentée de ces pas, lourds de souffrance, qui ébranlaient les planchers. Vers quatre heures, comme elle entendait Louise s’agiter davantage, elle se décida à frapper chez Lazare, qui s’était enfermé, dans l’exaspération nerveuse des malheurs dont il accusait le sort de l’accabler.

— Nous ne pouvons la laisser ainsi, expliqua-t-elle. Il faut lui parler. Viens avec moi.

Justement, ils la trouvèrent au milieu du premier étage, pliée contre la rampe, n’ayant plus la force de descendre ni de monter.