Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/411

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en voici un autre qui partira comme elle. Pourquoi est-il venu ?

Les sanglots lui coupèrent la voix. Sa peur et son dégoût de la vie éclataient, malgré l’effort qu’il faisait pour se taire, depuis l’affreuse délivrance de Louise. Quand il eut posé la bouche sur le front ridé de l’enfant, il se recula, car il avait cru sentir le crâne s’enfoncer sous ses lèvres. Devant cette créature qu’il jetait si grêle dans l’existence, un remords le désespérait.

— Sois tranquille, reprit Pauline pour le rassurer. On en fera un gaillard… Ça ne signifie rien, qu’il soit si petit.

Il la regarda, et dans son bouleversement, une confession entière lui échappa du cœur.

— C’est encore à toi que nous devons sa vie… Il me faudra donc toujours être ton obligé ?

— Moi ! répondit-elle, j’ai fait simplement ce que la sage-femme aurait fait, si elle s’était trouvée seule.

D’un geste, il lui imposa silence.

— Est-ce que tu me crois assez mauvais pour ne pas comprendre que je te dois tout ?… Depuis ton entrée dans cette maison, tu n’as cessé de te sacrifier. Je ne reparle plus de ton argent, mais tu m’aimais encore, lorsque tu m’as donné à Louise, je le sais à cette heure… Si tu te doutais combien j’ai honte, quand je te regarde, quand je me souviens ! Tu aurais ouvert tes veines, tu étais toujours bonne et gaie, même les jours où je t’écrasais le cœur. Ah ! tu avais raison, il n’y a que la gaieté et la bonté, le reste est un simple cauchemar.

Elle essaya de l’interrompre, mais il continuait plus haut :