Page:Emile Zola - La Joie de vivre.djvu/434

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Alors, tous affectèrent de s’égayer, de le taquiner sur les noces qu’il faisait encore. Mais leurs voix tremblaient de pitié, devant ce reste d’homme, cette masse inerte, qui vivait seulement assez pour souffrir. Il était retombé dans sa position, le corps déjeté à droite, les mains sur les genoux.

— Par exemple, ce soir, continua Pauline, nous avons un canard à la broche…

Mais elle s’interrompit, elle demanda :

— À propos, est-ce que vous n’auriez pas rencontré Véronique, en traversant Verchemont ?

Et elle conta la disparition de la bonne. Ni Lazare ni le médecin ne l’avaient aperçue. On s’étonna des lubies de cette fille, on finit par en plaisanter : le drôle, lorsqu’elle rentrerait, serait d’être déjà à table, pour voir sa figure.

— Je vous quitte, car je suis de cuisine, reprit Pauline gaiement. Si je laissais brûler le ragoût, ou si je servais le canard pas assez cuit, c’est mon oncle qui me donnerait mes huit jours !

L’abbé Horteur eut un large rire, et le docteur Cazenove lui-même s’amusait de la réflexion, lorsque la fenêtre du premier étage se rouvrit brusquement, avec un bruit furieux de l’espagnolette. Louise ne parut pas, elle se contenta de crier d’une voix sèche, dans l’entrebâillement des vitres :

— Monte, Lazare !

Celui-ci eut un mouvement de révolte, refusant de se rendre à un appel jeté d’un pareil ton. Mais Pauline lui adressa une muette prière, désireuse d’éviter la scène devant le monde ; et il monta, tandis qu’elle restait un instant encore sur la terrasse, pour combattre l’impression mauvaise. Un silence s’était fait, on regardait la mer avec embarras. Le soleil oblique