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LA JOIE DE VIVE.

Pauline regardait Louise, mince et fine, d’un visage irrégulier, mais d’un grand charme, avec de beaux cheveux blonds, noués et frisés comme ceux d’une dame. Elle avait pâli, en la voyant au cou de Lazare. Et, lorsque l’autre l’eut embrassée gaiement, elle lui rendit son baiser, les lèvres tremblantes.

— Qu’as-tu donc ? demanda sa tante. Tu as froid ?

— Oui, un peu, le vent n’est pas chaud, répondit-elle, toute rouge de son mensonge.

À table, elle ne mangea pas. Ses yeux ne quittaient plus les gens, et ils prenaient un noir farouche, dès que son cousin, son oncle ou même Véronique, s’occupaient de Louise. Mais elle parut souffrir surtout, quand Mathieu, au dessert, fit son tour habituel et alla poser sa grosse tête sur le genou de la nouvelle venue. Vainement elle l’appela, il ne lâchait pas celle-ci, qui le bourrait de sucre.

On s’était levé, Pauline avait disparu, lorsque Véronique, qui enlevait la table, revint de la cuisine, en disant d’un air de triomphe :

— Ah bien ! madame qui trouve sa Pauline si bonne !… Allez donc voir dans la cour.

Tout le monde y alla. Cachée derrière la remise, l’enfant tenait Mathieu acculé contre le mur, et hors d’elle, emportée par un accès fou de sauvagerie, elle lui tapait sur le crâne de toute la force de ses petits poings. Le chien, étourdi, sans se défendre, baissait le cou. On se précipita, mais elle tapait toujours, il fallut l’emporter, raidie, morte, si malade, qu’on la coucha tout de suite et que sa tante dut passer une partie de la nuit près d’elle.

— Elle est gentille, elle est très gentille, répétait Véronique, enchantée d’avoir enfin trouvé un défaut à cette perle.