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III

Deux jours plus tard, une grande marée découvrait les roches profondes. Dans le coup de passion qui emportait Lazare au début de chaque entreprise nouvelle, il ne voulut pas attendre davantage, il partit jambes nues, une veste de toile simplement jetée sur son costume de bain ; et Pauline était de l’enquête, en costume de bain elle aussi, chaussée de gros souliers, qu’elle réservait pour la pêche aux crevettes.

Quand ils furent à un kilomètre des falaises, au milieu du champ des algues ruisselant encore du flot qui se retirait, l’enthousiasme du jeune homme éclata, comme s’il découvrait cette moisson immense d’herbes marines, qu’ils avaient cent fois traversée ensemble.

— Regarde ! regarde ! criait-il. En voilà de la marchandise !… Et on n’en fait rien, et il y en a ainsi jusqu’à plus de cent mètres de profondeur !

Puis, il lui nommait les espèces, avec une pédanterie joyeuse : les zostères, d’un vert tendre, pareilles à de fines chevelures, étalant à l’infini une succession de vastes pelouses ; les ulves aux feuilles de laitue larges et minces, d’une transparence glauque ; les fucus dentelés, les fucus vésiculeux, en si