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LES ROUGON-MACQUART.

peau seulement plissée d’un frisson. Jean et Françoise, gravement, les mains ballantes, attendaient.

Et, quand il fut prêt, César monta sur la Coliche, d’un saut brusque, avec une lourdeur puissante qui ébranla le sol. Elle n’avait pas plié, il la serrait aux flancs de ses deux jambes. Mais elle, une cotentine de grande taille, était si haute, si large pour lui, de race moins forte, qu’il n’arrivait pas. Il le sentit, voulut se remonter, inutilement.

— Il est trop petiot, dit Françoise.

— Oui, un peu, dit Jean. Ça ne fait rien, il entrera tout de même.

Elle hocha la tête ; et, César tâtonnant encore, s’épuisant, elle se décida.

— Non, faut l’aider… S’il entre mal, ce sera perdu, elle ne retiendra pas.

D’un air calme et attentif, comme pour une besogne sérieuse, elle s’était avancée. Le soin qu’elle y mettait fonçait le noir de ses yeux, entr’ouvrait ses lèvres rouges, dans sa face immobile. Elle dut lever le bras d’un grand geste, elle saisit à pleine main le membre du taureau, qu’elle redressa. Et lui, quand il se sentit au bord, ramassé dans sa force, il pénétra d’un seul tour de reins, à fond. Puis, il ressortit. C’était fait : le coup de plantoir qui enfonce une graine. Solide, avec la fertilité impassible de la terre qu’on ensemence, la vache avait reçu, sans un mouvement, ce jet fécondant du mâle. Elle n’avait même pas frémi dans la secousse. Lui, déjà, était retombé, ébranlant de nouveau le sol.

Françoise, ayant retiré sa main, restait le bras en l’air. Elle finit par le baisser, en disant :

— Ça y est.

— Et raide ! répondit Jean d’un air de conviction, où se mêlait un contentement de bon ouvrier pour l’ouvrage vite et bien fait.

Il ne songeait pas à lâcher une de ces gaillardises, dont les garçons de la ferme s’égayaient avec les filles qui amenaient ainsi leurs vaches. Cette gamine semblait trouver