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III


Un mois se passa. Le vieux Fouan, nommé tuteur de Françoise, qui entrait dans sa quinzième année, les décida, elle et sa sœur Lise, son aînée de dix ans, à louer leurs terres au cousin Delhomme, sauf un bout de pré, pour qu’elles fussent convenablement cultivées et entretenues. Maintenant que les deux filles restaient seules, sans père ni frère à la maison, il leur aurait fallu prendre un serviteur, ce qui était ruineux, à cause du prix croissant de la main-d’œuvre. Delhomme, d’ailleurs, leur rendait là un simple service, s’engageant à rompre le bail, dès que le mariage de l’une des deux nécessiterait le partage entre elles de la succession.

Cependant, Lise et Françoise, après avoir également cédé au cousin leur cheval, devenu inutile, gardèrent les deux vaches, la Coliche et Blanchette, ainsi que l’âne, Gédéon. Elles gardaient de même leur demi-arpent de potager, que l’aînée se réservait d’entretenir, tandis que la cadette prendrait soin des bêtes. Certes, il y avait encore là du travail ; mais elles ne se portaient pas mal, Dieu merci ! elles en verraient bien la fin.

Les premières semaines furent très dures, car il s’agissait de réparer les dégâts de la grêle, de bêcher, de replanter des légumes ; et ce fut là ce qui poussa Jean à leur donner un coup de main. Une liaison se faisait entre lui et elles deux, depuis qu’il avait ramené leur père moribond. Le lendemain de l’enterrement, il vint demander de leurs nouvelles. Puis, il revint causer, peu à peu familier et obligeant, si bien qu’un après-midi, il ôta la bêche des poings de Lise, pour achever de retourner un carré. Dès lors, en ami, il leur consacra les heures que