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LES ROUGON-MACQUART.

bien dû accepter. Mais, lorsqu’on était marié, on devenait sérieux, il se serait plutôt coupé comme un chat, que d’en recommencer un autre. Merci ! pour qu’il y eût une bouche encore à la maison, où le pain déjà filait si raide ! Aussi ouvrait-il l’œil, se surveillant avec sa femme, si grasse, la mâtine, qu’elle goberait la chose du coup, disait-il, en ajoutant pour rire qu’il labourait dur et ne semait pas. Du blé, oh ! du blé, tant que le ventre enflé de la terre pouvait en lâcher ! mais des mioches, c’était fini, jamais !

Et, au milieu de ces continuels détails, de ces accouplements qu’elle frôlait et qu’elle sentait, le trouble de Françoise allait grandissant. On prétendait que son caractère changeait, elle était prise en effet d’humeurs inexplicables, avec des sautes continuelles, gaie, puis triste, puis bourrue et mauvaise. Le matin, elle suivait Buteau d’un regard noir, lorsque, sans se gêner, il traversait la cuisine, à moitié nu. Des querelles avaient éclaté entre elle et sa sœur, pour des vétilles, pour une tasse qu’elle venait de casser : est-ce qu’elle n’était pas à elle aussi, cette tasse, la moitié au moins ? est-ce qu’elle ne pouvait pas casser la moitié de tout, si ça lui plaisait ? Sur ces questions de propriété, les disputes tournaient à l’aigu, laissaient des rancunes de plusieurs jours.

Vers cette époque, Buteau céda lui-même à une humeur exécrable. La terre souffrait d’une terrible sécheresse, pas une goutte d’eau n’était tombée depuis six semaines ; et il rentrait les poings serrés, malade de voir les récoltes compromises, les seigles chétifs, les avoines maigres, les blés grillés avant d’être en grains. Il en souffrait positivement, comme les blés eux-mêmes, l’estomac rétréci, les membres noués de crampes, rapetissé, desséché de malaise et de colère. Aussi, un matin, pour la première fois, s’empoigna-t-il avec Françoise. Il faisait chaud, il était resté la chemise ouverte, la culotte déboutonnée, près de lui tomber des fesses, après s’être lavé au puits ; et, comme il s’asseyait pour manger sa soupe, Françoise, qui le servait, tourna un instant derrière lui. Enfin, elle éclata, toute rouge.