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LES ROUGON-MACQUART.

lées de ses cheveux. Et, à chaque coup, lorsqu’elle relevait le fléau, son genou droit tendait sa jupe, la hanche et le sein s’enflaient, crevaient l’étoffe, toute une ligne s’indiquait rudement, la nudité même de son corps de fille solide. Un bouton du corsage s’arracha, Buteau vit la chair blanche, sous la ligne hâlée du cou, une montée de chair que le tour de bras, continuellement, faisait saillir, dans le jeu puissant des muscles de l’épaule. Il semblait s’en exciter davantage, comme du coup de reins d’une bonne femelle, vaillante à la besogne ; et les fléaux s’abattaient toujours, le grain sautait, pleuvait en grêle, sous le toc-toc haletant du couple de batteurs.

À sept heures moins un quart, au jour tombant, Fouan et les Delhomme se présentèrent.

— Faut que nous finissions, leur cria Buteau, sans s’arrêter. Hardi là ! Françoise !

Elle ne lâchait pas, tapait plus dur, dans l’emportement du travail et du bruit. Et ce fut ainsi que Jean, qui arrivait à son tour avec la permission de dîner dehors, les trouva. Il en éprouva une jalousie brusque, il les regarda comme s’il les surprenait ensemble, accouplés dans cette besogne chaude, d’accord pour cogner juste, au bon endroit, tous les deux en sueur, si échauffés, si défaits, qu’on les aurait dits en train plutôt de planter un enfant que de battre du blé. Peut-être Françoise, qui y allait d’un tel cœur, eut la même sensation, car elle s’arrêta net, gênée. Buteau, s’étant retourné alors, demeura un instant immobile de surprise et de colère.

— Qu’est-ce que tu viens faire ici, toi ?

Mais Lise, justement, descendait au-devant de Fouan et des Delhomme. Elle s’approcha avec eux, elle s’écria de son air gai :

— Tiens ! c’est vrai, je ne t’ai pas conté… Je l’ai déjà vu ce matin, et je l’ai invité pour ce soir.

La face enflammée de son mari devint si terrible, qu’elle ajouta, voulant s’excuser :

— J’ai idée, père Fouan, qu’il a une demande à vous faire.