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LA TERRE.

te reposer… Si elle parlait, elle t’apprendrait comment on gagne de l’argent, par le bon ordre et le travail.

Élodie, en larmes, avait collé de nouveau ses lèvres sur le bijou.

— Tu sais, reprit madame Charles, je veux que tu te serves de cette alliance, quand nous te marierons.

Mais, à ce dernier mot, à cette idée du mariage, la jeune fille, dans son attendrissement, éprouva une secousse si forte, un tel excès de confusion, qu’elle se jeta, éperdue, sur le sein de sa grand’mère, pour y cacher son visage. Celle-ci la calma, en souriant.

— Voyons, n’aie pas honte, mon petit lapin… Il faut que tu t’habitues, il n’y a point là de vilaines choses. Je ne dirais pas de vilaines choses en ta présence, bien sûr… Ton cousin Buteau demandait tout à l’heure ce que nous allions faire de toi. Nous commencerons par te marier… Voyons, voyons, regarde-nous, ne te frotte pas contre mon châle. Tu vas t’enflammer la peau.

Puis, aux autres, tout bas, d’un air de satisfaction profonde :

— Hein ? est-ce élevé ? ça ne sait rien de rien !

— Ah ! si nous n’avions pas cet ange, conclut M. Charles, nous aurions vraiment trop de chagrin, à cause de ce que je vous ai dit… Avec ça, mes rosiers et mes œillets ont souffert cette année, et j’ignore ce qui se passe dans ma volière, tous mes oiseaux sont malades. La pêche seule me console un peu, j’ai pris une truite de trois livres, hier… N’est-ce pas ? quand on est à la campagne, c’est pour être heureux.

On se quitta. Les Charles répétèrent leur promesse d’aller goûter le vin nouveau. Fouan, Buteau et Jésus-Christ firent quelques pas en silence, puis le vieux résuma leur opinion.

— Un chançard tout de même, le cadet qui l’aura avec la maison, cette gamine !

Le tambour de Rognes avait battu le ban des vendanges ; et, le lundi matin, tout le pays fut en l’air, car chaque habitant avait sa vigne, pas une famille n’aurait