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IV


C’était justement le lendemain, un dimanche, que les garçons de Rognes allaient à Cloyes tirer au sort ; et, comme, dans la nuit tombante, la Grande et la Frimat, accourues, déshabillaient, puis couchaient Françoise avec d’infinies précautions, le tambour battait en bas, sur la route, un vrai glas pour le pauvre monde, au fond du triste crépuscule.

Jean, qui avait perdu la tête, partait chercher le docteur Finet, lorsqu’il rencontra, près de l’église, Patoir le vétérinaire, venu pour le cheval du père Saucisse. Violemment, il l’obligea à entrer voir la blessée, bien que l’autre s’en défendît. Mais, devant l’affreuse plaie, il refusa tout net de s’en mêler : à quoi bon ? il n’y avait rien à faire. Lorsque, deux heures plus tard, Jean ramena M. Finet, celui-ci eut le même geste. Rien à faire, des stupéfiants qui adouciraient l’agonie. La grossesse de cinq mois compliquait le cas, on sentait s’agiter l’enfant mourant de la mort de la mère, de ce flanc troué dans sa fécondité. Avant de partir, après avoir essayé d’un pansement, le docteur, tout en promettant de revenir le lendemain, déclara que la pauvre femme ne passerait pas la nuit. Et elle la passa pourtant, elle durait encore, lorsque, vers neuf heures, le tambour recommença à battre pour réunir les conscrits, devant l’école.

Toute la nuit, le ciel s’était fondu en eau, un vrai déluge que Jean avait écouté ruisseler, assis au fond de la chambre, hébété, les yeux pleins de grosses larmes. Maintenant, il entendait le tambour, assourdi comme par un crêpe, dans la matinée humide et tiède. La pluie ne tombait plus, le ciel était resté d’un gris de plomb.

Longtemps, le tambour résonna. C’était un nouveau, un