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LES ROUGON-MACQUART.

tard elle hériterait des Charles, une vraie fortune. Et c’était pourquoi il avait amené son père, résolu à faire immédiatement sa demande.

Un instant, on parla de la température qui était vraiment douce pour la saison. Les poiriers avaient bien fleuri, mais la fleur tiendrait-elle ? On finissait de boire le café, la conversation tomba.

— Ma mignonne, dit brusquement M. Charles à Élodie, tu devrais aller faire un tour au jardin.

Il la renvoyait, ayant hâte de vider le sac aux Delhomme.

— Pardon, mon oncle, interrompit Nénesse, si c’était un effet de votre bonté que ma cousine restât avec nous… J’ai à vous parler de quelque chose qui l’intéresse ; et, n’est-ce pas ? vaut toujours mieux terminer les affaires d’un coup que de s’y reprendre à deux fois.

Alors, se levant, il fit la demande, en garçon bien élevé.

— C’est donc pour vous dire que je serais très heureux d’épouser ma cousine, si vous y consentiez et si elle y consentait elle-même.

La surprise fut grande. Mais Élodie surtout en parut révolutionnée, à ce point que, quittant sa chaise, elle se jeta au cou de madame Charles, dans un effarement de pudeur qui empourprait ses oreilles ; et sa grand’mère s’épuisait à la calmer.

— Voyons, voyons, mon petit lapin, c’est trop, sois donc raisonnable !… On ne te mange pas, parce qu’on te demande en mariage… Ton cousin n’a rien dit de mal, regarde-le, ne fais pas la bête.

Aucune bonne parole ne put la déterminer à remontrer sa figure.

— Mon Dieu ! mon garçon, finit par déclarer M. Charles, je ne m’attendais pas à ta demande. Peut-être aurait-il mieux valu m’en parler d’abord, car tu vois comme notre chérie est sensible… Mais, quoi qu’il arrive, sois certain que je t’estime, car tu me sembles un bon sujet et un travailleur.

Delhomme, dont pas un trait n’avait bougé jusque-là, lâcha deux mots.