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LA TERRE.

— Pour sûr !

Et Jean, comprenant qu’il devait être poli, ajouta :

— Ah ! oui, par exemple !

M. Charles se remettait, et déjà il avait réfléchi que Nénesse n’était pas un mauvais parti, jeune, actif, fils unique de paysans riches. Sa petite-fille ne trouverait pas mieux. Aussi, après avoir échangé un regard avec madame Charles, continua-t-il :

— Ça regarde l’enfant. Jamais nous ne la contrarierons là-dessus, ce sera comme elle voudra.

Alors, Nénesse, galamment, renouvela sa demande.

— Ma cousine, si vous voulez bien me faire l’honneur et le plaisir…

Elle avait toujours le visage enfoui dans le sein de sa grand’mère, mais elle ne le laissa pas achever, elle accepta d’un signe de tête énergique, répété trois fois, en enfonçant sa tête davantage. Cela lui donnait sans doute du courage, de se boucher les yeux. La société en demeura muette, saisie de cette hâte à dire oui. Elle aimait donc ce garçon, qu’elle avait si peu vu ? ou bien était-ce qu’elle en désirait un, n’importe lequel, pourvu qu’il fût joli homme ?

Madame Charles lui baisa les cheveux, en souriant, en répétant :

— Pauvre chérie ! pauvre chérie !

— Eh bien ! reprit M. Charles, puisque ça lui va, ça nous va.

Mais une pensée venait de l’assombrir. Ses paupières lourdes retombèrent, il eut un geste de regret.

— Naturellement, mon brave, nous abandonnons l’autre chose, la chose que tu m’as proposée ce matin.

Nénesse s’étonna.

— Pourquoi donc ?

— Comment, pourquoi ? Mais parce que… voyons… tu comprends bien !… Nous ne l’avons pas laissée jusqu’à vingt ans chez les dames de la Visitation pour que… enfin, c’est impossible !

Il clignait les yeux, il tordait la bouche, voulant se faire