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LA TERRE.

s’était fait accompagner par son fils Nénesse, Delhomme ne venant jamais aux veillées ; et, presque aussitôt, Lise et Françoise, qui secouèrent en riant la neige dont elles étaient couvertes. Mais la vue de Buteau fit rougir légèrement la première. Lui, tranquillement, la regardait.

— Ça va bien, Lise, depuis qu’on ne s’est vu ?

— Pas mal, merci.

— Allons, tant mieux !

Palmyre, pendant ce temps, s’était furtivement glissée par la porte entr’ouverte ; et elle s’amincissait, elle se plaçait le plus loin possible de sa grand’mère, la terrible Grande, lorsqu’un tapage, sur la route, la fit se redresser. C’étaient des bégaiements de fureur, des larmes, des rires et des huées.

— Ah ! les gredins d’enfants, ils sont encore après lui ! cria-t-elle.

D’un bond, elle avait rouvert la porte ; et, brusquement hardie, avec des grondements de bonne, elle délivra son frère Hilarion des farces de la Trouille, de Delphin et de Nénesse. Ce dernier venait de rejoindre les deux autres, qui hurlaient aux trousses de l’infirme. Essoufflé, ahuri, Hilarion entra, en se déhanchant sur ses jambes torses. Son bec-de-lièvre le faisait saliver, il bégayait sans pouvoir expliquer les choses, l’air caduc pour ses vingt-quatre ans, d’une hideur bestiale de crétin. Il était devenu très méchant, enragé de ce qu’il ne pouvait attraper à la course et calotter les gamins qui le poursuivaient. Cette fois encore, c’était lui qui avait reçu une volée de boules de neige.

— Oh ! est-il menteur ! dit la Trouille, d’un grand air innocent. Il m’a mordue au pouce, tenez !

Du coup, Hilarion, les mots en travers de la gorge, faillit s’étrangler ; tandis que Palmyre le calmait, lui essuyait le visage avec son mouchoir, en l’appelant son mignon.

— En voilà assez, hein ! finit par dire Fouan. Toi, tu devrais bien l’empêcher de te suivre. Assois-le au moins, qu’il se tienne tranquille !… Et vous, marmaille,