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V


Un instant, Pascal regarda les dossiers, dont l’amas semblait énorme, ainsi jeté au hasard sur la longue table, qui occupait le milieu de la salle de travail. Dans le pêle-mêle, plusieurs des chemises de fort papier bleu s’étaient ouvertes, et les documents en débordaient, des lettres, des coupures de journaux, des pièces sur papier timbré, des notes manuscrites.

Déjà, pour reclasser les paquets, il cherchait les noms, écrits sur les chemises en gros caractères, lorsqu’il sortit, avec un geste résolu, de la sombre réflexion où il était tombé. Et, se tournant vers Clotilde, qui attendait toute droite, muette et blanche :

— Écoute, je t’ai toujours défendu de lire ces papiers, et je sais que tu m’as obéi… Oui, j’avais des scrupules. Ce n’est pas que tu sois, comme d’autres, une fille ignorante, car je t’ai laissé tout apprendre de l’homme et de la femme, et cela n’est certainement mauvais que pour les natures mauvaises… Seulement, à quoi bon te plonger trop tôt dans cette terrible vérité humaine  ? Je t’ai donc épargné l’histoire de notre famille, qui est l’histoire de toutes, de l’humanité entière : beaucoup de mal et beaucoup de bien…

Il s’arrêta, parut s’affermir dans sa décision, calmé maintenant et d’une énergie souveraine.

— Tu as vingt-cinq ans, tu dois savoir… Et puis, notre