Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/154

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— Ah ! qui me dira, qui me dira, qui me dira ?… Est-ce celui qui est mort fou ? celle-ci qui a été emportée par la phtisie ? Celui-ci que la paralysie a étouffé ? celle-ci que sa misère physiologique a tuée toute jeune ?… Chez lequel est le poison dont je vais mourir ? Quel est-il, hystérie, alcoolisme, tuberculose, scrofule ? Et que va-t-il faire de moi, un épileptique, un ataxique ou un fou ?… Un fou ! qui est-ce qui a dit un fou ? Ils le disent tous, un fou, un fou, un fou !

Des sanglots étranglèrent Pascal. Il laissa tomber sa tête défaillante au milieu des dossiers, il pleura sans fin, secoué de frissons. Et Clotilde, prise d’une sorte de terreur religieuse, en sentant passer la fatalité qui régit les races, s’en alla doucement, retenant son souffle ; car elle comprenait bien qu’il aurait eu une grande honte, s’il avait pu la soupçonner là.

De longs accablements suivirent. Janvier fut très froid. Mais le ciel restait d’une pureté admirable, un éternel soleil luisait dans le bleu limpide ; et, à la Souleiade, les fenêtres de la salle, tournées au midi, formaient serre, entretenaient là une douceur de température délicieuse. On ne faisait pas même de feu, le soleil ne quittait pas la pièce, une nappe d’or pâle, où des mouches, épargnées par l’hiver, volaient lentement. Il n’y avait aucun autre bruit que le frémissement de leurs ailes. C’était une tiédeur dormante et close, comme un coin de printemps conservé dans la vieille maison.

Ce fut là qu’un matin Pascal entendit, à son tour, la fin d’une conversation, qui aggrava sa souffrance. Il ne sortait plus guère de sa chambre avant le déjeuner, et Clotilde venait de recevoir le docteur Ramond dans la salle, où ils s’étaient mis à causer doucement, l’un près de l’autre, au milieu du clair soleil.

Pour la troisième fois, Ramond se présentait depuis