Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/159

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n’était-elle plus fermée. Et elle put entrer librement dans cette pièce où elle n’avait jamais mis les pieds, une grande pièce que son exposition au nord rendait froide, où elle n’aperçut qu’un petit lit de fer sans rideaux, un appareil à douches dans un coin, une longue table de bois noir, des chaises, et sur la table, sur des planches, le long des murs, toute une alchimie, des mortiers, des fourneaux, des machines, des trousses. Pascal, levé, habillé, était assis au bord de son lit, qu’il s’était épuisé à refaire lui-même.

— Tu ne veux donc pas que je te soigne ? demanda-t-elle, émue et craintive, en n’osant trop s’avancer.

Il eut un geste d’abattement.

— Oh ! tu peux entrer, je ne te battrai pas, je n’en ai plus la force.

Et, dès ce jour, il la toléra autour de lui, il lui permit de le servir. Mais il avait pourtant des caprices, il ne voulait pas qu’elle entrât, lorsqu’il était couché, pris d’une sorte de pudeur maladive ; et il la forçait à lui envoyer Martine. D’ailleurs, il restait au lit rarement, se traînait de chaise en chaise, dans son impuissance à faire un travail quelconque. Le mal s’était encore aggravé, il en arrivait au désespoir de tout, ravagé de migraines et de vertiges d’estomac, sans force, comme il le disait, pour mettre un pied devant l’autre, convaincu chaque matin qu’il coucherait le soir aux Tulettes, fou à lier. Il maigrissait, il avait une face douloureuse, d’une beauté tragique, sous le flot de ses cheveux blancs, qu’il continuait à peigner par une dernière coquetterie. Et, s’il acceptait qu’on le soignât, il refusait rudement tout remède, dans le doute où il était tombé de la médecine.

Clotilde, alors, n’eut plus d’autre préoccupation que lui. Elle se détachait du reste, elle était allée d’abord aux messes basses, puis elle avait cessé complètement