Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/192

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Sous le coup, la vieille servante chancela. Un déchirement, une douleur affreuse blêmit sa pauvre face usée, d’un renoncement de nonne, dans la blancheur de sa coiffe. Elle ne prononça pas un mot, elle tourna sur les talons, descendit, alla s’abattre au fond de sa cuisine, les coudes sur sa table à hacher, où elle sanglota entre ses mains jointes.

Clotilde, inquiète, désolée, l’avait suivie. Et elle tâchait de comprendre et de la consoler.

— Voyons, es-tu bête ! qu’est-ce qu’il te prend ?… Maître et moi, nous t’aimerons tout de même, nous te garderons toujours… Ce n’est pas parce que nous sommes mariés que tu seras malheureuse. Au contraire, la maison va être gaie maintenant, du matin au soir.

Mais Martine sanglotait plus fort, éperdument.

— Réponds-moi, au moins. Dis-moi pourquoi tu es fâchée et pourquoi tu pleures… Ça ne te fait donc pas plaisir de savoir que maître est si heureux, si heureux !… Je vais l’appeler, maître, et c’est lui qui te forcera bien à répondre.

À cette menace, la vieille servante, tout d’un coup, se leva, se jeta dans sa chambre, dont la porte s’ouvrait sur la cuisine ; et elle repoussa cette porte, avec un geste furieux, elle s’enferma, violemment. En vain, la jeune fille appela, tapa, s’épuisa.

Pascal finit par descendre, au bruit.

— Eh bien ! quoi donc ?

— Mais c’est cette obstinée de Martine ! Imagine-toi qu’elle s’est mise à sangloter, quand elle a su notre bonheur. Et elle s’est barricadée, elle ne bouge plus.

Elle ne bougeait plus, en effet. Pascal appela, frappa à son tour. Il s’emporta, il s’attendrit. L’un après l’autre, ils recommencèrent. Rien ne répondait, il ne venait de la petite chambre qu’un silence de mort. Et ils se la figu-