Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/202

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cette fois, de l’argent de côté. Oui, trois cents francs… Les voici.

Il la regardait stupéfié. Elle joignait tout juste les deux bouts d’ordinaire. Par quel miracle de lésinerie avait-elle pu réserver une pareille somme ? Il finit par rire.

— Ah ! ma pauvre Martine, c’est donc ça que nous avons mangé tant de pommes de terre ! Vous êtes une perle d’économie, mais vraiment gâtez-nous un peu plus.

Ce discret reproche la blessa si profondément, qu’elle se laissa aller enfin à une allusion.

— Dame ! monsieur, quand on jette tant d’argent par les fenêtres, d’un côté, on fait bien d’être prudent de l’autre.

Il comprit, il ne se fâcha pas, amusé au contraire de la leçon.

— Ah ! ah ! ce sont mes comptes que vous épluchez ! Mais vous savez, Martine, que, moi aussi, j’ai des économies qui dorment !

Il parlait de l’argent que ses malades lui donnaient encore parfois, et qu’il jetait dans un tiroir de son secrétaire. Depuis plus de seize ans, il y mettait ainsi, chaque année, près de quatre mille francs, ce qui aurait fini par faire un véritable petit trésor, de l’or et des billets pêle-mêle, s’il n’avait tiré de là, au jour le jour, sans compter, des sommes assez grosses, pour ses expériences et ses caprices. Tout l’argent des cadeaux sortait de ce tiroir, il le rouvrait sans cesse, maintenant. D’ailleurs, il le croyait inépuisable, il était si habitué à y prendre ce dont il avait besoin, que la crainte ne lui venait pas d’en voir jamais le fond.

— On peut bien jouir un peu de ses économies, continua-t-il gaiement. Puisque c’est vous qui allez chez le