Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/215

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affectueusement, en lui conseillant de reprendre sa vie de travail, ce qui était la meilleure hygiène physique et morale. Ensuite, il se calma, il se mit à table, en parlant gaiement d’autre chose.

Clotilde le regardait, étonnée, un peu révoltée même.

— Quoi donc, maître, tu n’es pas plus content de toi ?

Il plaisanta.

— Oh ! de moi, je ne le suis jamais !… Et de la médecine, tu sais, c’est selon les jours !

Ce fut cette nuit-là, au lit, qu’ils eurent leur première querelle. Ils avaient soufflé la bougie, ils étaient dans la profonde obscurité de la chambre, aux bras l’un de l’autre, elle si mince, si fine, serrée contre lui, qui la tenait toute d’une étreinte, la tête sur son cœur. Et elle se fâchait de ce qu’il n’avait plus d’orgueil, elle reprenait ses griefs de la journée, en lui reprochant de ne pas triompher avec la guérison de Sarteur, et même avec l’agonie si prolongée de Valentin. C’était elle, maintenant, qui avait la passion de sa gloire. Elle rappelait ses cures : ne s’était-il pas guéri lui-même ? pouvait-il nier l’efficacité de sa méthode ? Tout un frisson la prenait, à évoquer le vaste rêve qu’il faisait autrefois : combattre la débilité, la cause unique du mal, guérir l’humanité souffrante, la rendre saine et supérieure, hâter le bonheur, la cité future de perfection et de félicité, en intervenant, en donnant de la santé à tous ! Et il tenait la liqueur de vie, la panacée universelle qui ouvrait cet espoir immense !

Pascal se taisait, les lèvres posées sur l’épaule nue de Clotilde. Puis, il murmura :

— C’est vrai, je me suis guéri, j’en ai guéri d’autres, et je crois toujours que mes piqûres sont efficaces, dans beaucoup de cas… Je ne nie pas la médecine, le remords d’un accident douloureux, comme celui de Lafouasse, ne me rend pas injuste… D’ailleurs, le travail a été ma