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Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/226

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silence était profond. Seules, des abeilles bourdonnaient, autour de grandes mauves. Et il n’y avait, sur la terrasse, qu’un petit chien jaune, un loubet, comme on les nomme en Provence, étendu de tout son long sur la terre nue, à l’ombre. Il connaissait la visiteuse, il avait levé la tête en grognant, sur le point d’aboyer ; puis, il s’était recouché, et il ne bougeait plus.

Alors, dans cette solitude, dans cette joie du soleil, elle fut saisie d’un singulier petit frisson, elle appela :

— Macquart !… Macquart !…

La porte de la bastide, sous les mûriers, était grande ouverte. Mais elle n’osait entrer, cette maison vide, béante ainsi, l’inquiétait. Et elle appela de nouveau :

— Macquart !… Macquart !…

Pas un bruit, pas un souffle. Le silence lourd retombait, les abeilles seules bourdonnaient plus haut, autour des grandes mauves.

Une honte de sa peur finit par prendre Félicité, qui entra bravement. À gauche, dans le vestibule, la porte de la cuisine, où l’oncle se tenait d’habitude, était fermée. Elle la poussa, elle ne distingua rien d’abord, car il avait dû clore les volets, pour se protéger contre la chaleur. Sa première impression fut seulement de se sentir serrée à la gorge par la violente odeur d’alcool qui emplissait la pièce : il semblait que chaque meuble suât cette odeur, la maison entière en était imprégnée. Puis, comme ses yeux s’accoutumaient à la demi-obscurité, elle finit par apercevoir l’oncle. Il se trouvait assis près de la table, sur laquelle étaient un verre et une bouteille de trois-six complètement vide. Tassé au fond de sa chaise, il dormait profondément, ivre mort. Cette vue la rendit à sa colère et à son mépris.

— Voyons, Macquart, est-ce déraisonnable et ignoble