Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/248

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que pas un des bruits ordinaires de l’existence ne leur parvenait.

— Seulement, comme elles étaient très vilaines, ces histoires, je n’ai pas voulu vous en tourmenter, j’ai cru qu’on mentait.

Elle finit par raconter que, si les uns accusaient simplement M. Grandguillot d’avoir joué à la Bourse, d’autres affirmaient qu’il avait des femmes, à Marseille. Enfin, des orgies, des passions abominables. Et elle se remit à sangloter.

— Mon Dieu ! mon Dieu ! qu’est-ce que nous allons devenir ? Nous allons donc mourir de faim !

Ébranlé alors, ému de voir des larmes emplir aussi les yeux de Clotilde, Pascal tâcha de se rappeler, de faire un peu de lumière dans son esprit. Jadis, au temps où il exerçait à Plassans, c’était en plusieurs fois qu’il avait déposé chez M. Grandguillot les cent vingt mille francs dont la rente lui suffisait, depuis seize ans déjà ; et, chaque fois, le notaire lui avait donné un reçu de la somme déposée. Cela, sans doute, lui permettrait d’établir sa situation de créancier personnel. Puis, un souvenir vague se réveilla au fond de sa mémoire : sans qu’il pût préciser la date, sur la demande et à la suite de certaines explications du notaire, il lui avait remis une procuration à l’effet d’employer tout ou partie de son argent en placements hypothécaires ; et il était même certain que, sur cette procuration, le nom du mandataire était resté en blanc. Mais il ignorait si l’on avait fait usage de cette pièce, il ne s’était jamais préoccupé de savoir comment ses fonds pouvaient être placés.

De nouveau, son angoisse d’avare fit jeter ce cri à Martine :

— Ah ! monsieur, vous êtes bien puni par où vous avez péché ! Est-ce qu’on abandonne son argent comme ça !