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Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/277

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la vieille servante rapportait un pot-au-feu, elle pleura, elle dit que le boucher lui passait les bas morceaux. Encore quelques jours, et le crédit allait être impossible. Il fallait absolument aviser, trouver des ressources, pour les petites dépenses quotidiennes.

Un lundi, comme une semaine de tourments recommençait, Clotilde s’agita toute la matinée. Elle semblait en proie à un combat intérieur, elle ne parut prendre une décision qu’à la suite du déjeuner, en voyant Pascal refuser sa part d’un peu de bœuf qui restait. Et, très calme, l’air résolu, elle sortit ensuite avec Martine, après avoir mis tranquillement dans le panier de celle-ci un petit paquet, des chiffons qu’elle voulait donner, disait-elle.

Quand elle revint, deux heures plus tard, elle était pâle. Mais ses grands yeux, si purs et si francs, rayonnaient. Tout de suite, elle s’approcha du docteur, le regarda en face, se confessa.

— J’ai un pardon à te demander, maître, car je viens de te désobéir, et je vais sûrement te faire beaucoup de peine.

Il ne comprenait pas, il s’inquiéta.

— Qu’as-tu donc fait ?

Lentement, sans le quitter des yeux, elle prit dans sa poche une enveloppe, d’où elle tira des billets de banque. Une brusque divination l’éclaira, il eut un cri :

— Oh ! mon Dieu ! les bijoux, tous les cadeaux !

Et lui, si bon, si doux d’habitude, était soulevé d’une douloureuse colère. Il lui avait saisi les deux mains, il la brutalisait presque, lui écrasait les doigts qui tenaient les billets.

— Mon Dieu ! qu’as-tu fait là, malheureuse… C’est tout mon cœur que tu as vendu ! c’est tout notre cœur qui était entré dans ces bijoux et que tu es allée rendre