Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/305

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ce qui me rassure un peu, c’est que tu l’aimes bien. Aime-le de toute ta force, aime-le pour nous deux.

— Oui, mademoiselle, autant que je pourrai.

Des pleurs leur montaient aux paupières, et Clotilde dit encore :

— Veux-tu m’embrasser, Martine ?

— Oh ! mademoiselle, très volontiers !

Elles étaient dans les bras l’une de l’autre, lorsque Pascal rentra. Il affecta de ne pas les voir, pour ne pas s’attendrir sans doute. D’une voix trop haute, il parlait des derniers préparatifs du départ, en homme bousculé qui ne veut pas qu’on manque le train. Il avait ficelé les malles, le père Durieu venait de les emporter sur sa voiture, et on les trouverait à la gare. Cependant, il était à peine huit heures, on avait encore deux grandes heures devant soi. Ce furent deux heures mortelles d’angoisse à vide, de douloureux piétinement, avec l’amertume cent fois remâchée de la rupture. Le déjeuner prit à peine un quart d’heure. Puis, il fallut se lever, se rasseoir. Les yeux ne quittaient pas la pendule. Les minutes semblaient éternelles comme une agonie, au travers de la maison lugubre.

— Ah ! quel vent ! dit Clotilde, à un coup de mistral, dont toutes les portes avaient gémi.

Pascal s’approcha de la fenêtre, regarda la fuite éperdue des arbres, sous la tempête.

— Depuis ce matin, il grandit encore. Tout à l’heure, il faudra que je m’inquiète de la toiture, car des tuiles sont parties.

Déjà, ils n’étaient plus ensemble. Ils n’entendaient plus que ce vent furieux, balayant tout, emportant leur vie.

Enfin, à huit heures et demie, Pascal dit simplement :

— Il est temps, Clotilde.

Elle se leva de la chaise où elle était assise. Par