Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/329

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— Les cinq mille francs du secrétaire sont à Clotilde… Vous lui direz que c’est arrangé chez le notaire, qu’elle retrouvera là de quoi vivre…

Alors, Martine qui l’avait écouté, béante, se désespéra, confessa son mensonge, ignorant les bonnes nouvelles apportées par Ramond.

— Monsieur, il faut me pardonner, j’ai menti. Mais ce serait mal de mentir davantage… Quand je vous ai vu seul et si malheureux, j’ai pris sur mon argent…

— Ma pauvre fille, vous avez fait ça !

— Oh ! j’ai bien espéré un peu que monsieur me le rendrait un jour !

La crise se calmait, il put tourner la tête et la regarder. Il était stupéfait et attendri. Que s’était-il donc passé dans le cœur de cette vieille fille avare, qui pendant trente années avait durement amassé son trésor, qui n’en avait jamais sorti un sou, ni pour les autres ni pour elle ? Il ne comprenait pas encore, il voulut simplement se montrer reconnaissant et bon.

— Vous êtes une brave femme, Martine. Tout cela vous sera rendu… Je crois bien que je vais mourir…

Elle ne le laissa pas achever, se révoltant, dans un sursaut de tout son être, dans un cri de protestation.

— Mourir, vous, monsieur !… Mourir avant moi ! Je ne veux pas, je ferai tout, je l’empêcherai bien !

Et elle s’était jetée à genoux devant le lit, elle l’avait saisi de ses mains éperdues, tâtant pour savoir où il souffrait, le retenant, comme si elle avait espéré qu’on n’oserait pas le lui prendre.

— Il faut me dire ce que vous avez, je vous soignerai, je vous sauverai. S’il est nécessaire de vous donner de ma vie, à moi, je vous en donnerai, monsieur… Je puis bien passer mes jours, mes nuits. Je suis encore forte, je serai plus forte que le mal, vous verrez… Mourir, mourir,