Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/345

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milieu de l’encombrement des omnibus et des fiacres. Enfin, elle roula de nouveau, arrêtée tous les quarts d’heure aux petites stations. Elle allongeait la tête à la portière, il lui semblait qu’elle était partie depuis plus de vingt ans et que les lieux devaient être changés. Le train quittait Sainte-Marthe, lorsqu’elle eut la forte émotion, en allongeant le cou, d’apercevoir, à l’horizon, très loin, la Souleiade, avec les deux cyprès centenaires de la terrasse, qu’on reconnaissait de trois lieues.

Il était cinq heures, le crépuscule tombait déjà. Les plaques tournantes retentirent, et Clotilde descendit. Mais elle avait eu un élancement, une douleur vive, en voyant que Pascal n’était pas sur le quai, à l’attendre. Elle se répétait depuis Lyon : « Si je ne le vois pas tout de suite, à l’arrivée, c’est qu’il est malade. » Peut-être, cependant, était-il resté dans la salle, ou s’occupait-il d’une voiture, dehors. Elle se précipita, et elle ne trouva que le père Durieu, le voiturier que le docteur employait d’habitude. Vivement, elle le questionna. Le vieil homme, un Provençal taciturne, ne se hâtait pas de répondre. Il avait là sa charrette, il demandait le bulletin de bagages, voulait d’abord s’occuper des malles. D’une voix tremblante, elle répéta sa question :

— Tout le monde va bien, père Durieu ?

— Mais oui, mademoiselle.

Et elle dut insister, avant de savoir que c’était Martine, la veille, vers six heures, qui lui avait commandé de se trouver à la gare, avec sa voiture, pour l’arrivée du train. Il n’avait pas vu, personne n’avait vu le docteur, depuis deux mois. Peut-être bien, puisqu’il n’était pas là, qu’il avait dû prendre le lit, car le bruit courait en ville qu’il n’était guère solide.

— Attendez que j’aie les bagages, mademoiselle. Il y a une place pour vous sur la banquette.